Les lois régissant le crédit immobilier
Les lois encadrant le crédit immobilier ont très largement évolué depuis le milieu du XIXe siècle. À chaque évolution, on retrouve les mêmes objectifs : protéger le consommateur, faire jouer la concurrence (et peut-être baisser les prix ?), prévenir et accompagner le surendettement, et enfin encadrer les relations entre les professionnels et les emprunteurs. C’est tout d’abord la loi Scrivener 2 qui est venue poser les fondamentaux législatifs du marché du crédit. Depuis, le cadre juridique français n’a cessé d’évoluer avec les lois Neiertz, Murcef, Chatel, Lagarde, Hamon, Lemoine, mais aussi avec l’instauration de la directive européenne MCD (Mortgage Credit Directive).
13 juillet 1979 – Loi Scrivener 2
La loi Scrivener 2 apporte un cadre à l’obtention d’un crédit immobilier et introduit des concepts bien connus des emprunteurs d’aujourd’hui comme :
- L’offre préalable de prêt immobilier : la banque doit transmettre à l’emprunteur un document récapitulatif sur le prêt pour qu’il puisse prendre une décision avisée. Ce document contient des éléments chiffrés sur le prêt (montant, taux, etc.) mais aussi des informations contractuelles.
- Le délai de rétractation : l’offre préalable de prêt immobilier est valable 30 jours. L’emprunteur et ses cautions doivent attendre un délai minimum de 10 jours avant de valider l’offre. Ce délai doit leur permettre de bien l’étudier et la comparer à la concurrence.
- La condition suspensive de prêt : si l’acquéreur d’un bien fait souhaite financer son acquisition via un financement, une condition suspensive de financement doit obligatoirement être insérée dans la promesse de vente (ou compromis de vente).
- Le remboursement anticipé : une banque ou autre établissement de crédit doit donner la possibilité à l’emprunteur de rembourser son crédit par anticipation. La loi fixe aussi un montant maximum de pénalités de remboursement (un semestre d’intérêts ou 3% du capital restant dû).
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31 décembre 1989 – Loi Neiertz
La loi Neiertz est venue renforcer la protection et l’assistance aux personnes en situation de surendettement. Les deux éléments clés de cette mesure sont :
- création des dossiers et commissions de surendettement : cette procédure est engagée à la demande du débiteur ne parvenant plus à faire face à ses obligations. L’objectif est de réunir les différentes parties prenantes pour élaborer un plan de « désendettement » facilitant l’apurement de la dette.
- mise en place d’un Fichier National des Incidents de Remboursement des Crédits aux Particuliers (FICP) : un établissement de crédit a l’obligation de déclarer sur ce fichier un particulier qui aurait manqué deux échéances de remboursement, aurait une utilisation abusive de son découvert, ou ne rembourserait pas une somme due malgré une mise en demeure.
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11 décembre 2001 – Loi Murcef
Toujours dans ce souci de transparence et d’encadrement des relations entre la banque et son client, la loi Murcef introduit de nouvelles directives encadrant le crédit immobilier. Les plus importantes sont :
- l’interdiction pour un établissement bancaire ou de crédit, ou un intermédiaire, de percevoir des fonds avant le déblocage d’un prêt
- obligation d’information claire sur les frais (frais d’émission de carte, frais de gestion de compte, agios, etc.) et services couverts par chaque contrat
- obligation d’information en cas d’évolution de la tarification
- obligation de nommer un médiateur en cas de litige entre l’établissement et l’emprunteur, et obligation d’information du client
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28 janvier 2005 – Loi Chatel
La loi Chatel est venue apporter une nouveauté majeure dans le monde de l’assurance emprunteur. Avant son entrée en vigueur, les contrats d’assurance pouvaient être renouvelés tacitement sans information claire auprès de l’assuré. Depuis, l’assureur est dans l’obligation d’informer l’assuré de l’arrivée de la date d’anniversaire du contrat (entre 60 à 15 jours avant celle-ci). Cela se fait en général au moment de l’envoi de l’avis d’échéance de cotisation.
L’assuré peut dorénavant changer librement d’assurance à la date d’anniversaire de son assurance actuelle. La nouvelle assurance doit avoir un niveau de couverture au moins équivalent à la précédente.
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1 juillet 2010 – Loi Lagarde
La disposition la plus connue concerne la délégation d’assurance. Jusqu’à la loi Lagarde, la seule option disponible en matière d’assurance emprunteur lors de l’émission du prêt était la souscription à l’assurance proposée par l’établissement prêteur. La loi Chatel a dans un premier permis aux emprunteurs de changer d’assurance tous les ans suite à l’émission du prêt. Avec la loi Lagarde, l’emprunteur peut dès le départ demander une délégation d’assurance et se tourner vers un autre assureur. Seule condition : avoir un niveau de couverture au moins similaire à ce que propose l’établissement prêteur.
La loi Lagarde apporte d’autres évolutions comme l’accélération des procédure de surendettement ou l’obligation pour les établissements prêteurs de consulter le fichier FICP (Fichier des Incidents de remboursement des Crédits aux Particuliers) avant d’émettre un prêt, mais aussi le développement du micro-crédit afin de financer des projets d’insertion.
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28 février 2014 – Loi MCD
La loi MCD, ou Mortgage Credit Directive (Loi sur le Crédit Immobilier en français), est une directive européenne ayant pour objectif d’uniformiser les pratiques liées au financement immobilier des particuliers, et de renforcer la protection du consommateur emprunteur. Cette directive concerne les différents métiers du financement : les banques et établissements de crédit, mais aussi les intermédiaires en opérations de banques et les évaluateurs/experts immobiliers.
Toujours dans un souci de transparence d’information pour le consommateur final, la directive MCD intègre deux évolutions importantes :
- Fiche d’Information Standardisée Européenne (FISE) : cette fiche récapitulative d’une offre de crédit est dorénavant identique d’un établissement à l’autre. Cela facilite la lecture et la comparaison avec des offres concurrentes.
- Taux Annuel Effectif Global (TAEG) : ce nouvel indicateur a pour vocation d’apporter encore plus de transparence que le Taux Effectif Global (TEG). Le calcul du TAEG comporte certes le taux d’intérêt du crédit, mais aussi les frais de garantie, l’assurance emprunteur, les frais de dossier et autres frais annexes.
Côté professionnels du financement, la loi impose aussi des formations régulières pour toutes personnes travaillant sur l’élaboration ou le conseil en crédit immobilier. Enfin, la notion d’information est renforcée avec une obligation d’analyse de la solvabilité (revenus, charges, actifs, épargne, etc.) et un devoir de conseil de la part du professionnel.
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17 mars 2014 – Loi Hamon
La loi Hamon vient renforcer les lois Chatel et Lagarde sur les sujets d’assurance, principalement lors de la première année suivant l’émission du financement. En effet, la loi Chatel imposait d’attendre la date d’anniversaire du contrat d’assurance. Hors, avec la loi Hamon, l’assuré peut changer d’assurance à tout moment durant les 12 premiers mois, à la condition de respecter un préavis d’au moins deux semaines. Là aussi, la nouvelle assurance devra proposer un niveau de couverture au moins équivalent à la précédente.
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28 février 2022 – Loi Lemoine
Il existe deux axes clés dans la loi Lemoine. Le premier permet de renforcer le droit de l’emprunteur en matière d’assurance. Jusqu’à ce jour, il pouvait demander une délégation d’assurance à la souscription (loi Lagarde), changer à tout moment la première année (loi Hamon), ou changer tous les ans à la date d’anniversaire du contrat d’assurance (loi Chatel). Avec la loi Lemoine, l’emprunteur peut maintenant changer d’assurance à tout moment, tout au long de la durée du contrat (tant que la nouvelle assurance offre au moins le même niveau de protection).
L’autre axe important concerne les personnes ayant un risque aggravé de santé. Jusqu’à la loi Lemoine, tous les emprunteurs devaient remplir un questionnaire de santé pour être assurés. L’analyse de ce questionnaire permettait à l’assureur d’adapter la couverture et le taux, voire de refuser d’assurer. Une telle pratique excluait toutes les personnes « à risque » des circuits du financement immobilier. Depuis la loi Lemoine, ce questionnaire a été supprimé si le montant de la quotité assurée est inférieur à 200 000 €, et que le terme du prêt intervient avant le soixantième anniversaire de l’emprunteur.
Enfin, le droit à l’oubli a lui aussi évolué. Jusque là, le droit à l’oubli pour les personnes ayant eu un cancer était fixé à 10 ans. La loi Lemoine le passe à 5 ans.
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J’espère que ce petit exercice de synthèse vous aura permis de mieux appréhender les évolutions majeures de la loi en termes de crédit immobilier. Les efforts de notre législateur n’a pas toujours eu les effets escomptés sur la compétitivité de l’offre et la baisse des coûts. Il n’en reste pas moins indéniable que ces évolutions amènent plus de transparence, d’équilibre et de protection pour les emprunteurs. Quid des prochaines évolutions au niveau législatif ? On vous tiendra informés ;)