Réméré et Code Civil, décryptage des 15 articles

3 Juil 2024

Le réméré est le nom technique d’une vente dans laquelle un vendeur conserve le droit de racheter la chose vendue. Cette pratique, vieille de plusieurs centaines d’années, a fait son apparition en 1804 dans nos textes de lois, lors de la promulgation du Code Civil par Napoléon. En 220 ans, la seule évolution majeure date de 2009, lorsque le réméré a officiellement été rebaptisé vente avec faculté de rachat (LOI n°2009-526 du 12 mai 2009 – art. 10). Voici ce que contiennent ces fameux Articles 1659 à 1673 du Code Civil concernant le réméré.

Réméré : décryptage des 15 articles du Code Civil

Articles 1659 du Code Civil sur le réméré

« La faculté de rachat est un pacte par lequel le vendeur se réserve de reprendre la chose vendue, moyennant la restitution du prix principal et le remboursement dont il est parlé à l’article 1673. »

On expose ici le principe même du réméré, ou vente avec faculté de rachat. Comme ce nom de « vente avec faculté de rachat » l’indique, on parle de la vente d’un actif par un vendeur qui conserverait la faculté de le racheter.

Le réméré est une pratique peu répandue, et surtout utilisée dans l’immobilier. Mais comme le montre cet article, on parle de « chose vendue » et pas seulement d’actifs immobiliers. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette plus grande utilisation en immobilier, comme la « facilité » de contractualisation en rajoutant des clauses spécifiques à un acte authentique de vente, mais j’ai déjà eu l’occasion de voir des rémérés sur des ventes de parts de sociétés (même dans le cas de la vente d’une étude de notaires) et de paires de sneakers (oui, oui… ce n’est pas une blague).

Article 1660 du Code Civil sur le réméré

« La faculté de rachat ne peut être stipulée pour un terme excédant cinq années. Si elle a été stipulée pour un terme plus long, elle est réduite à ce terme. »

On parle là de la durée maximum pour pouvoir exercer sa faculté de rachat. L’avantage principale de cette durée de cinq ans dans le monde de l’immobilier, c’est qu’elle permet de bénéficier de frais d’acquisition réduits. En effet, quand un professionnel de l’immobilier prend l’engagement de revente d’un bien dans les cinq ans, la part de taxes prélevée par l’état, le département et la commune, passe d’un total de 5,8 % du prix de vente, à 0,72 %. Passé ce délai, si le bien qui a bénéficié de cette exonération n’a pas été vendu, les frais d’acquisition seront revus à la hausse (de 0,72 à 5,8 %).

Dans une opération de réméré sur un actif immobilier, les frais d’acquisition sont en général payés par le vendeur (on parle de vente acte en main). On comprend donc l’intérêt pour ce dernier de vendre à un professionnel de l’immobilier prenant cet engagement de revente.

Article 1661 du Code Civil sur le réméré

« Le terme fixé est de rigueur et ne peut être prolongé par le juge. »

Cet article vient confirmer que le terme ne peut dépasser les cinq ans, et que même un juge ne pourra changer cela. Toutefois, si la vente avec faculté de rachat est conclue pour une période plus courte (comme c’est souvent le cas en immobilier), il est légalement possible de prolonger le terme, tant que ce dernier n’excède pas cinq ans.

Article 1662 du Code Civil sur le réméré

« Faute par le vendeur d’avoir exercé son action en rachat dans le terme prescrit, l’acquéreur demeure propriétaire irrévocable. »

C’est un aspect extrêmement important à comprendre pour tout vendeur qui se projette sur une telle opération. Si au terme de l’opération, la faculté de rachat n’a pas été exercée, l’acquéreur devient propriétaire irrévocable et il n’est plus possible pour le vendeur de racheter son bien. C’est d’autant plus important que dans le cadre d’un réméré, comme l’opération comporte des risques pour l’acquéreur qui n’a ni la main sur la liquidité (la possibilité de revendre) ni la capacité d’occuper le bien (le vendeur en conserve en général la jouissance), il demandera à bénéficier d’une décote sur le prix d’acquisition.

Cela signifie que si le vendeur cède son bien à réméré pour 60% de son prix, et qu’il ne parvient pas à le racheter dans les temps… il perd 40% de sa valeur !

Cette approche un peu agressive manque d’équilibre à nos yeux, c’est pourquoi Solustone ajoute systématiquement un complément de prix pour assurer aux vendeurs de récupérer 100% de la valeur patrimoniale de son bien s’il se retrouvait dans l’impossibilité d’exercer sa faculté de rachat.

Article 1663 du Code Civil sur le réméré

« Le délai court contre toutes personnes, même contre le mineur, sauf, s’il y a lieu, le recours contre qui de droit. »

Ce délai de cinq ans s’adresse à tous, même si, suite à un héritage, un mineur ou une personne dépendante se retrouvait bénéficiaire de cette faculté de rachat.

Article 1664 du Code Civil sur le réméré

« Le vendeur à pacte de rachat peut exercer son action contre un second acquéreur, quand même la faculté de rachat n’aurait pas été déclarée dans le second contrat. »

Même si la situation est rare, si l’acquéreur du réméré venait à vendre le bien à un tiers, la faculté de rachat serait toujours active au profit du vendeur initial, et ce même si le nouvel acte de cession ne fait pas mention du réméré initial.

Cela n’est pas contre plus valable si le terme du réméré est passé. En effet, dans ce cas, l’acquéreur du réméré deviendra propriétaire irrévocable, la faculté de rachat ne pourra plus être exercée, et le bien pourra être revendu.

Article 1665 du Code Civil sur le réméré

« L’acquéreur à pacte de rachat exerce tous les droits de son vendeur ; il peut prescrire tant contre le véritable maître que contre ceux qui prétendraient des droits ou hypothèques sur la chose vendue. »

L’acquéreur d’un réméré devient de plein droit propriétaire du bien, même s’il y a faculté de rachat au profit du vendeur. En d’autres termes, il sera en mesure de défendre ses intérêts contre l’occupant ou tout autre tiers qui réclamerait un droit particulier sur ce bien.

Article 1666 du Code Civil sur le réméré

« Il peut opposer le bénéfice de la discussion aux créanciers de son vendeur. »

Cet article vient aussi protéger les intérêts de l’acquéreur et lui assure que si un créancier détient un droit sur le bien objet du réméré, il devra d’abord se tourner vers les autres actifs du vendeur.

Article 1667 du Code Civil sur le réméré

« Si l’acquéreur à pacte de rachat d’une partie indivise d’un héritage s’est rendu adjudicataire de la totalité sur une licitation provoquée contre lui, il peut obliger le vendeur à retirer le tout lorsque celui-ci veut user du pacte. »

On rentre dans quelque chose de plus technique ici… On parle d’un cas très particulier dans lequel un acquéreur en réméré n’aurait acheté qu’une part d’indivision d’un bien qui fera (ou ferait) l’objet d’une licitation.

Une licitation est une forme d’adjudication (vente aux enchères) d’un bien détenu en indivision. Si l’acquéreur en réméré de la part indivise se retrouve adjudicataire de la totalité (c’est à dire s’il gagne les enchères face aux autres indivisaires), le vendeur initial sera dans l’obligation de racheter la totalité du bien en cas d’exercice de sa faculté de rachat.

Article 1668 du Code Civil sur le réméré

« Si plusieurs ont vendu conjointement, et par un seul contrat, un héritage commun entre eux, chacun ne peut exercer l’action en rachat que pour la part qu’il y avait. »

On reste ici dans le cas d’une indivision. Si la vente à réméré a été opérée par plusieurs indivisaires, chacun conserve la faculté de racheter la part cédée. Si par exemple il y a deux indivisaires qui vendent chacun 50% d’un bien en réméré, chacun conserve la faculté de racheter ses 50%, mais n’a pas de droits particuliers sur les autres 50%. Rien n’empêchera par contre un seul indivisaire de racheter la totalité si toutes les parties (dont l’acquéreur du réméré) sont d’accord.

Article 1669 du Code Civil sur le réméré

« Il en est de même si celui qui a vendu seul un héritage a laissé plusieurs héritiers. Chacun de ces cohéritiers ne peut user de la faculté de rachat que pour la part qu’il prend pour la succession. »

En cas de décès du vendeur à réméré, ses héritiers ne peuvent exercer leur faculté de rachat que pour la part d’indivision qui leur revient. C’est-à-dire que si le vendeur décède et laisse derrière lui deux héritiers en pleine propriété, chacun ne pourra exercer sa faculté de rachat que sur les 50% qui lui reviennent. Mais là encore, rien n’empêche un seul héritier de racheter la totalité si toutes les parties (dont l’acquéreur du réméré) sont d’accord.

Article 1670 du Code Civil sur le réméré

« Mais, dans le cas des deux articles précédents, l’acquéreur peut exiger que tous les covendeurs ou tous les cohéritiers soient mis en cause, afin de se concilier entre eux pour la reprise de l’héritage entier ; et, s’ils ne se concilient pas, il sera renvoyé de la demande. »

En cas de décès du vendeur à réméré et d’héritage avec plusieurs héritiers, l’acquéreur initial peut lancer une procédure pour obliger les héritiers à trouver une solution permettant l’exercice de la faculté de rachat, par l’un ou plusieurs d’entre eux, sur la totalité des parts d’indivision. Si cela n’est pas possible, l’acquéreur deviendra propriétaire irrévocable des parts d’indivision non rachetées au terme de l’opération.

Article 1671 du Code Civil sur le réméré

« Si la vente d’un héritage appartenant à plusieurs n’a pas été faite conjointement et de tout l’héritage ensemble, et que chacun n’ait vendu que la part qu’il y avait, ils peuvent exercer séparément l’action en rachat sur la portion qui leur appartenait ;

Et l’acquéreur ne peut forcer celui qui l’exercera de cette manière à retirer le tout. »

Cet article vient confirmer la conclusion du point précédent. En cas d’héritage, chaque héritier pourra exercer sa part d’indivision, et l’acquéreur initial du réméré ne pourra s’y opposer. Cela peut paraître anodin, mais dans un tel cas, il existe de vrais risques de blocages face à différents indivisaires n’ayant pas forcément les mêmes intérêts.

Article 1672 du Code Civil sur le réméré

« Si l’acquéreur a laissé plusieurs héritiers, l’action en rachat ne peut être exercée contre chacun d’eux que pour sa part, dans le cas où elle est encore indivise, et dans celui où la chose vendue a été partagée entre eux.

Mais s’il y a eu partage de la succession et que la chose vendue soit échue au lot de l’un des héritiers, l’action en rachat peut être intentée contre lui pour le tout. »

Si le partage d’un héritage aboutit à ce qu’un seul héritier se trouve bénéficiaire de la faculté de rachat, alors rien ne s’oppose à ce que ce dernier l’exerce. Logique me direz-vous ! On est d’accord, mais au moins, ça a le mérite d’être inscrit dans la lois.

Article 1673 du Code Civil sur le réméré

« Le vendeur qui use du pacte de rachat doit rembourser non seulement le prix principal, mais encore les frais et loyaux coûts de la vente, les réparations nécessaires, et celles qui ont augmenté la valeur du fonds, jusqu’à concurrence de cette augmentation. Il ne peut entrer en possession qu’après avoir satisfait à toutes ces obligations.

Lorsque le vendeur rentre dans son héritage par l’effet du pacte de rachat, il le reprend, exempt de toutes les charges et hypothèques dont l’acquéreur l’aurait grevé, à la condition que ce pacte ait été régulièrement publié au fichier immobilier, antérieurement à la publication desdites charges et hypothèques. Il est tenu d’exécuter les baux faits sans fraude par l’acquéreur. »

On finit par un article assez costaud qui traite de deux aspects :

  1. lors de l’exercice de la faculté de rachat, il est légalement prévu que le vendeur initial qui exerce donc cette faculté, soit dans l’obligation de reverser le prix initial, mais aussi tous les frais et coûts de l’opération (on parle là des frais d’acquisition s’ils n’ont pas déjà été payés, mais aussi des charges d’entretien ou autres charges/taxes). Aussi, si l’acquéreur a dû investir dans des rénovations qui ont augmenté la valeur du bien, le vendeur initial devra là aussi les rembourser.
  2. la deuxième partie de l’article traite du fait que lors du retour du bien dans le patrimoine du vendeur initial, suite à l’exercice de sa faculté de rachat, celui-ci sera libre de tous droits que l’acquéreur aurait pu octroyer à un tiers (créanciers ou autres). Le vendeur initial sera par contre tenu de respecter les éventuels baux qui auraient été accordés par l’acquéreur. Ce dernier point ne pose en général pas de problèmes car dans un réméré, le vendeur bénéficie généralement d’un différé de jouissance. Dans le cas d’un bien loué, cela signifie qu’il perçoit directement les loyers et garde en général la relation avec le locataire.

Voilà pour ce petit décryptage des différents articles du Code Civil encadrant le réméré. Un peu long et rébarbatif, mais cela a au moins le mérite d’éclairer les contours d’une opération peu connue et pas toujours bien exécutée. À cela s’ajoutent différents aspects et clauses particulières qui permettent de préserver les intérêts de tous. Nous en présentons les grands principes dans notre article d’introduction sur le réméré (ou la vente avec faculté de rachat).

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